Zéro Phyto : Le point sur la règlementation

Depuis le 1er juillet 2022, l’interdiction de l’usage des produits phytosanitaires concerne désormais l’ensemble des gestionnaires de Jardins, Espaces végétalisés et Infrastructures (JEVI), aussi bien les collectivités que les entreprises du paysage. On fait le point sur la situation pour vous aider à y voir plus clair.

Crédit Ville de Pau

La loi n°2014-1010 du 6 février 2014, dite « loi Labbé » (du nom du sénateur qui a porté le dossier législatif devant l’Assemblée Nationale), avait pour objectif de « mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national ». Elle a notamment défini les dates d’interdiction d’utilisation pour les collectivités sur certains espaces au 1er Janvier 2020 et de vente aux particuliers à partir du 1er Janvier 2022. Elle a ensuite été modifiée en 2015 par la « loi de transition énergétique » (article 68), qui a avancé les dates d’application, puis par l’arrêté du 15/01/21 qui a élargi l’interdiction aux lieux fréquentés par le public ou à usage collectif.

Quels sont les espaces concernés par l’interdiction ?

Depuis le 1er janvier 2017, l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics n’ont plus le droit d’utiliser ni de faire utiliser par des prestataires de produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries accessibles ou ouverts au public.

Au 1er janvier 2019, l’interdiction s’est étendue aux particuliers, qui ne peuvent plus utiliser ni détenir de produits phytopharmaceutiques sauf ceux de biocontrôle, à faibles risques et autorisés en agriculture biologique. De plus, hormis ces derniers, tous les autres produits phytosanitaires de la gamme amateurs sont interdits à la vente.

Enfin, depuis le 1er juillet 2022, l’interdiction concerne également les habitations et différents lieux fréquentés par le public ou à usage collectif, que ces lieux appartiennent à des structures publiques ou privées et soient fréquentés par des résidents, des usagers, des élèves, des employés, des patients, des clients … Tous les gestionnaires de JEVI sont donc désormais touchés.

Cette récente interdiction s’applique désormais aussi aux lieux suivants :

  • Les propriétés privées à usage d’habitation : habitat individuel et collectif
  • Les établissements de santé, EHPAD, établissements sociaux et médico-sociaux
  • Les crèches, halte-garderies, maisons d’assistntes maternelles…
  • Les établissements d’enseignement
  • Les lieux destinés au loisir, au tourisme, à l’hébergement : hôtels, campings, parcs d’attraction…
  • Les zones commerciales
  • Les entreprises (hors zones liées à la sécurité)
  • Les jardins familiaux
  • Les cimetières et columbariums
  • Les terrains de sport
Désherbage-cimetière-binette
Crédit Ville de Cholet

 

Mais certains équipements sportifs « dont l’accès est réglementé, maîtrisé et réservé aux utilisateurs » bénéficient d’un délai supplémentaire, avec une interdiction repoussée au 1er janvier 2025 :

  • Les terrains de grands jeux
  • Les golfs: uniquement au niveau des départs, greens, fairways et practices
  • Les hippodromes
  • Les terrains de tennis sur gazons

Après cette date, l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse restera cependant encore possible pour les usages listés par les ministres de l’Agriculture et celui de la Transition écologique pour lesquels aucune solution technique alternative ne permet d’obtenir la qualité requise dans le cadre des compétitions officielles.

 

Pour certains sites en revanche, rien ne change. L’utilisation des produits phytosanitaires conventionnels reste autorisée pour :

  • L’entretien des aéroports, des sites industriels, des déchetteries et des terrains militaires car ils sont fermés au public (hors voirie d’accès et lieux de repos des travailleurs)
  • L’entretien des voiries, des autoroutes et des voies ferrées : Une dérogation existe également pour les zones étroites ou difficiles d’accès (telles que les bretelles, échangeurs, terre-pleins centraux et ouvrages, pour des questions de sécurité

Quels sont les produits interdits et ceux qui restent autorisés ?

Il convient en premier lieu de rappeler la définition officielle d’un produit phytosanitaire / phytopharmaceutique, donnée par l’article 3 du règlement (CE) n°1107/2009, reprise dans l’article L 253-1 du code rural, à savoir : « Substances actives ou préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur et qui sont destinées à :

  • protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action
  • exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, pour autant qu’il ne s’agisse pas de substances nutritives
  • assurer la conservation des produits végétaux
  • détruire les végétaux indésirables
  • détruire les parties de végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux. »

 

Si la loi Labbé interdit l’usage des produits phytosanitaires de synthèse, elle permet néanmoins l’utilisation d’autres produits (dont certains sont classés comme « phytosanitaires ») :

  • Les produits de biocontrôle
  • Les macro-organismes
  • Les produits autorisés en agriculture biologique
  • Les produits à faible risque
  • Les substances de base

Par ailleurs, l’interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires de synthèse ne s’applique pas aux traitements destinés à lutter contre les organismes nuisibles réglementés (comme les chenilles processionnaires) et contre des dangers sanitaires graves menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique (la pyrale du buis par exemple).

Traitement de la pyrale du buis à l’aide d’un produit de biocontrôle à base de Bacillus thuringiensis (Crédit Journal L’Union)

Les produits de biocontrôle

Le terme «produits de biocontrôle» est défini par l’article L 253-6 du code rural, modifié par l’article 50 de la loi d’avenir agricole, comme « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». On distinguent actuellement 4 familles de produits de biocontrôle :

  • Les macro-organismes (ceux sont les seuls de la liste à ne pas être considérés comme des produits phytosanitaires) : ce sont des invertébrés (insectes, acariens et nématodes) utiles à l’agriculture. Ils peuvent avoir une action positive sur la gestion des bio-agresseurs des plantes (en tant que prédateur, parasite ou parasitoïde) ou sur la pollinisation. Les macro-organismes indigènes ne sont pas réglementés. Ils peuvent donc être commercialisés et utilisés librement. Les macro-organismes non indigènes sont quant à eux soumis à la réglementation (décret 2012-140, arrêté du 28/06/12). L’arrêté du 26/02/15 établit la liste des macro-organismes non indigènes déjà autorisés (et donc directement utilisables).
  • Les micro-organismes : les champignons, bactéries, virus et leurs extraits
  • Les médiateurs chimiques : les phéromones et les kairomones
  • Les substances naturelles : d’origine végétale, animale ou minérale

Les produits Utilisables en Agriculture Biologique (UAB)

L’agriculture biologique autorise l’usage de certains produits phytopharmaceutiques à condition qu’ils ne soient pas issus de la chimie de synthèse et ne soient pas à usage herbicide.

Pour être autorisé en France, les produits doivent répondre à la fois :

  • à la réglementation européenne : les produits pouvant être utilisés en agriculture biologique sont listés dans le réglement (CE) n°889/2008
  • à la réglementation française sur les intrants utilisables en agriculture.

A noter que les produits UAB utilisables dans les JEVI sont uniquement ceux rattachés aux usages « cultures ornementales ».

Les produits à faible risque

Selon le règlement (CE) n°1107/2009, les produits à faible risque ne comportent pas de substances classées pour leur toxicité, ou persistantes, ou à forte bioconcentration, ou à effet perturbateur endocrinien.

Aujourd’hui, plus de 10 substances à faible risque sont autorisées au niveau communautaire. Ces substances sont le plus souvent également des substances de biocontrôle.

Les substances de base

La notion de substance de base est définie dans l’article 23 du réglement (CE) n°1107/2009. Elle correspond à des substances :

  • non initialement élaborées pour être utilisées en protection des plantes mais qui peuvent avoir un intérêt pour celle-ci (denrées alimentaires …)
  • sans impact négatif sur la santé humaine ou l’environnement.

Ces substances sont une catégorie de produits de protection des plantes distinctes des produits phytosanitaires. Leur utilisation est autorisée dans les conditions indiquées par la réglementation.

Pour savoir quelles subtances sont approuvées en tant que substances de base, consultez la EU pesticide database (type : basic substance) ou le site de l’ITAB.

On peut citer pour exemple le vinaigre autorisé dans les JEVI pour la désinfection des outils.

Quid des produits biocides ?

Les produits biocides sont définis par l’article 3 du règlement (UE) n°528/2012 comme des produits destinés à protéger les hommes et animaux contre tous organismes leur étant nuisibles. Ils possèdent une AMM biocide, indiquée sur l’étiquette du produit. Il faut un Certibiocide pour certains produits biocides.

Ainsi, les produits phytosanitaires et biocides sont des « pesticides » au sens large (à savoir qu’ils sont utilisés pour lutter contre un organisme nuisible). Mais, selon la nature du problème rencontré, on distinguera :

 

Remarque : Certains des organismes nuisibles peuvent être traités, selon la nuisance qu’ils occasionnent, par l’un ou l’autre de ces produits. C’est le cas par exemple des chenilles urticantes : lorsque la santé de l’arbre est en danger, on utilisera un produit phytosanitaire ; lorsque la santé des usagers du site est en danger, on utilisera un produit biocide. De ce fait, un certain nombre de substances actives sont communes à ces deux types de produits.

Tableau synthétique qui résume bien les types de produits autorisés (Source Plante & Cité) :

PPP-Loi labbe

Quelles sont les conditions d’application des produits autorisés ?

Le Certiphyto s’applique

L’usage professionnel d’un produit phytopharmaceutique quel qu’il soit (de biocontrôle, utilisable en agriculture biologique ou à faible risque) ne peut être fait que par une personne détenant un certificat individuel de formation adapté à la fonction (Certiphyto décideur ou opérateur).

La procédure et les certificats individuels de formation correspondants sont présentés sur ChloroFil, le site des professionnels de l’enseignement agricole français.

La loi Pothier ajoute des dérogations pour certains cas particuliers :

  • L’exemption de l’agrément phyto pour les entreprises prestataires de service concerne dorénavant l’utilisation d’une plus large gamme de produits de biocontrôle ainsi que l’utilisation de substances de base (Article 9).
  • Les opérateurs n’appliquant aucun produit phytosanitaire à l’exception des médiateurs chimiques (utilisés notamment dans les pièges à phéromones) ou uniquement des substances de base n’ont pas besoin de détenir le Certiphyto (Article 10).

 

La toxicité des produits autorisés mieux pris en compte

Certains produits de biocontrôle peuvent présenter des risques pour la santé humaine. C’est la raison pour laquelle des restrictions supplémentaires liées à leur niveau de dangerosité ont été prises :

  • Aires de jeux : Seront acceptés uniquement les produits sans classement ou portant uniquement le pictogramme ci-contre

 

  • Espace vert (parc, jardin, terrain de sport et de loisirs): seront interdits les produits portant le pictogramme ci-contre

 

Pour les sites ne pouvant être fermés au moins 12 heures, seront interdits les produits présentant un danger physique et les produits UAB portant l’un des pictogrammes suivants :

 

  • Zones à usage collectif des établissements d’enseignement : Seront autorisés uniquement les produits de biocontrôle, à faible risque ou UAB. Pour les établissements accueillant des enfants de moins de 12 ans, seuls les produits sans classement ou portant uniquement le pictogramme ci-contre

 

 

  • Etablissements, maisons et centre de santé, EHPAD : Si la zone traitée est à moins de 50 mètres des bâtiments d’accueil, seuls les produits sans classement ou portant seulement le pictogramme ci-contre sont autorisés.

 

  • Crèches, haltes garderies, maisons d’assistants maternels : Seront acceptés uniquement les produits sans classement ou portant uniquement le pictogramme ci-contre

 

 

  • Cimetières et columbariums : Pour les cimetières-parcs ou assimilables à un parc, jardin, espace vert seront interdits les produits portant le pictogramme ci-contre

 

Si le site ne peut pas être fermé au moins 12 heures, seront interdits les produits présentant un danger physique et les produits UAB portant l’un des pictogrammes

 

  • Terrains de sport: seront interdits les produits portant le pictogramme ci-contre

 

Si le site ne peut pas être fermé au moins 12 heures, seront interdits les produits présentant un danger physique et les produits UAB portant l’un des pictogrammes suivants

 

Zones de non-traitement (ZNT)

Il y a enfin des zones de non-traitement à respecter :

  • A proximité des bâtiments fréquentés par des personnes vulnérables : les produits de biocontrôle classés dangereux pour la santé et UAB utilisés en Traitement des Parties Aériennes (TPA) sont interdits
  • A proximité d’une habitation : les produits UAB utilisés en TPA sont interdits
  • A proximité d’un point d’eau : les produits possédant une ZNT eau sont interdits
Désherbage-débroussailleuse
Crédit Le Télégramme

 

Pour aller plus loin

Textes règlementaires

  • Loi Labbé – Loi n° 2014-110 du 06/02/2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national
  • Article 68 de la Loi de Transition Énergétique – Loi n° 2015-992 du 17/08/2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
  • Articles 8, 9 & 10 de la loi Pothier – Loi n° 2017-348 du 20/01/17 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle
  • Arrêté du 15/01/21 (modifiant l’arrêté du 04/05/17) relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les propriétés privées, les lieux fréquentés par le public et dans les lieux à usage collectif.

 

Pour y voir plus clair sur la règlementation :

Des documents de référence pour se lancer dans le Zéro Phyto :

Produits utilisables :