Plantations urbaines : Le bon arbre au bon endroit

Particulièrement touchées par le changement climatique, les villes voient dans la plantation d’arbres une manière de réduire les îlots de chaleur urbains. Mais, si les services que peuvent apporter les arbres en ville sont nombreux, les contraintes imposées aux arbres urbains sont aussi pléthores. Il convient donc de bien identifier dès la phase projet tous ces facteurs pour choisir l’essence qui saura combiner aux mieux les contraintes du site et les attentes de la maîtrise d’ouvrage.

Crédit Ville de Paris

La ville est un milieu défavorable pour les arbres, qui doivent faire face à plusieurs défis :

  • S’adapter à de faibles ressources en lumière, en sol et en eau (du sol mais aussi humidité de l’air)
  • Supporter les pollutions aériennes (NOx, SO2, O3), les pollutions du sol (huiles, hydrocarbures, métaux lourds) et les pollutions lumineuses
  • Être capables de s’adapter aux microclimats présents en ville (vents desséchants, réverbération de la lumière et de la chaleur…)
  • Avoir un développement racinaire compatible avec l’urbanisme et les réseaux
  • Avoir un développement aérien compatible avec l’urbanisme et les activités du site
  • Faire face aux nombreuses agressions de la part des usagers, automobilistes comme piétons.

À cela s’ajoutent en plus aujourd’hui la nécessaire adaptation des essences aux changements climatiques et une attente sociétale forte autour du rôle que les arbres peuvent jouer dans la lutte contre le réchauffement urbain.

Implanter des arbres en ville n’est donc pas chose aisée et une véritable réflexion doit être menée en amont du projet autour du choix des essences pour réussir le projet.

 

Identifier les contraintes inhérentes au site

Il n’y pas du point de vue du paysage de bonnes ou de mauvaises espèces, mais des espèces plus ou moins adaptées en fonction d’un contexte très urbanisé à peu urbanisé, minéralisé ou non ainsi qu’à une situation de plantation et d’entretien allant de confortable pour l’espèce à très contrainte. Cette approche implique de s’interroger sur le lieu, ses contraintes au même titre que l’ambiance et le confort que l’on souhaite apporter à la pratique des lieux. Le type d’espace est donc déterminant.

Dans le cadre de l’outil SESAME présenté plus bas, 12 typologies d’espaces publics ont été identifiées. Pour chacune sont précisé le rôle spécifique du végétal attendu pour chaque typologie, les caractéristiques de l’espace et de ses usages, qui définissent les pressions exercées sur le végétal et les points de vigilances particuliers dans le choix de l’espèce imposés par chacune des typologies

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Crédit Cerema

Déterminer les caractéristiques écologiques du site

Le développement et la survie d’un arbre sont conditionnés par l’environnement dans lequel il est planté. L’analyse du site doit donc permettre de préciser :

  • Les caractéristiques du sol (structure, composition, compaction, pH…) : en ville, les sols sont souvent pauvres, compactés et avec un pH plutôt basique, ce qui réduit le choix d’essences.
  • La luminosité disponible : ces paramètres sont influencés par la hauteur des bâtiments ainsi que la largeur et l’orientation des rues. Toutes les essences ne sont pas capables de supporter l’ombre permanente.
  • La disponibilité et les mouvements de l’eau : les conditions qui prévalent en ville tendent à être sèches. Le degré de tolérance à la sécheresse est donc un critère important pour le choix des essences. Là où les arbres sont intégrés à des dispositifs de gestion des eaux de pluie, les essences choisies doivent également pouvoir tolérer des sols temporairement engorgés.
  • Le vent : les grands immeubles sont susceptibles de créer un effet de tunnel qui augmente la vitesse du vent et la formation de turbulences. Or, le vent en accélérant l’évapotranspiration assèchent les plantes. Il est donc souhaitable de choisir des arbres tolérant la sécheresse pour les sites ventés.
  • La température ambiante : le phénomène d’îlot de chaleur conduit à une augmentation artificielle des températures en ville. Les façades en verre ou les murs peuvent également générer une surchauffe localisée.
  • Les pollutions : les arbres bordant des grandes voies fréquentées sont très exposés à la pollution atmosphérique. Toutes les essences ne sont pas capables de tolérer ce type d’exposition. Les arbres en ville sont également susceptibles d’être exposés au sel de déneigement. Le choix d’espèces tolérant les embruns et/ou des sols salins s’avère alors parfois nécessaire.
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Crédit Ceramide

Évaluer l’adaptation des espèces aux changements climatiques

Compte tenu de la longévité des arbres lorsqu’ils ont été bien choisis et bien plantés, il est important d’intégrer les changements climatiques dans le choix des essences. Les projections climatiques pour la deuxième moitié du XXIe siècle anticipent des étés plus chauds et secs, des hivers moins froids et plus humides ainsi qu’un risque accru d’évènements météorologiques extrêmes tels que vagues de chaleur, tempêtes et pluies diluviennes. En réponse à ces évolutions, il est fortement recommandé de privilégier des espèces tolérant la sécheresse et les vagues de chaleur.

Ce critère conditionnant directement la survie des arbres sélectionnés et donc leur propension à remplir les services écosystémiques recherchés, il est primordial de lui accorder une pondération forte dans la sélection finale.

Identifier les risques liés aux arbres

Les autres contraintes à prendre en compte sont relatives aux risques de nuisances que peuvent générer les arbres :

  • Espèces de grande hauteur et/ou de grande envergure : l’exclusion des espèces de grande hauteur et de grande envergure doit être utilisée avec parcimonie. Ainsi, dans un projet urbain où l’objectif principal est la régulation climatique, il est illogique de privilégier les petits arbres par facilité d’intégration alors que ce sont ceux qui sont le moins efficaces. Si l’on veut réguler le climat urbain, il faut accorder un minimum d’espace aux végétaux et notamment aux arbres, qui sont les plus performants en matière de régulation thermique.
  • Les racines superficielles dommageables : susceptibles de causer des dommages aux revêtements, aux murs, aux fondations, aux réseaux enterrés
  • Les branches cassantes : certaines espèces ont plus tendance que d’autres à avoir des branches cassées, indépendamment de l’historique d’entretien des végétaux. Les essences ayant une propension à perdre des branches ou à se détériorer très rapidement en cas de blessure sont à proscrire dans les espaces très fréquentés.
  • La sensibilité au chablis : le risque de chablis est le risque de chute de l’arbre entier, en particulier lors des tempêtes hivernales ou des orages estivaux. Cela dépend en grande partie du système racinaire. Les résineux et les feuillus à feuillage persistant sont généralement plus sensibles. Les conditions très locales de circulation de l’air et d’implantation racinaire induisent une forte variabilité selon les individus.
  • La fructification pouvant causer des dommages : certaines espèces comme le marronnier possèdent des fruits lourds et durs, qui peuvent générer des dommages matériels aux véhicules ou des blessures légères sur les usagers.
  • Les fruits toxiques : Le niveau de contrainte considéré tient compte, d’une part, du niveau de toxicité, et d’autre part de l’appétence présumée des fruits au stade où ils sont toxiques. Ainsi, un végétal dont les fruits sont toxiques quand ils sont encore verts sera considéré comme présentant un niveau de contrainte faible.
  • Le dépôt de miellat : Bien que cette contrainte puisse être considérée comme faible, par rapport aux précédentes, elle est à prendre en compte en particulier dans les espaces de stationnement des véhicules.
  • Risques allergiques : la plupart des allergies sont spécifiques à un type d’arbres ou au cultivar mâle de certaines essences. Les bouleaux, les noisetiers ou encore les cyprès sont reconnus pour le pouvoir allergisant de leur pollen.
  • Risques liés aux parasites : certaines espèces comme les pins dans le Sud et les chênes dans le Nord sont susceptibles d’être infestés par des chenilles processionnaires, très urticantes pour les usagers et potentiellement mortelles pour les animaux.

Il est important de noter que certains risques sont inhérents à une espèce donnée (comme les problèmes liés à la fructification), mais d’autres dépendent fortement du contexte de la plantation. Ainsi, un arbre de grande envergure peut être problématique dans une rue étroite mais être parfaitement adapté sur une voirie périurbaine large.

Crédit edmondlafoto Pixabay

Déterminer l’importance des services attendus

L’arbre en ville a longtemps été perçu uniquement selon une approche paysagère. Si aujourd’hui il est toujours investi d’une fonction esthétique majeure, son rôle va plus loin que l’aspect ornemental. L’arbre procure ainsi de nombreux services écosystémiques en milieu urbain :

  • Régulation du climat local : L’un des rôles majeurs de l’arbre en ville est de réduire les îlots de chaleur urbains (ICU) qui vont s’accroître dans le contexte actuel de changements climatiques. L’abaissement des températures par les arbres est notamment lié à l’ombrage qu’ils procurent, au phénomène d’évapotranspiration, à un albedo plus élevé qu’une grande partie des revêtements et à la création de mini-courants d’air. Ainsi, les houppiers des arbres absorbent et réfléchissent une partie des rayonnements solaires. De ce fait, seule une partie du rayonnement est transmise au sol. L’ombre des arbres rafraîchit ainsi l’air sous la canopée et évite à la population d’être soumise à la chaleur directe du plein soleil. D’autre part, l’ombre issue de la végétation évite que les surfaces du sol et des bâtiments accumulent de la chaleur et la dissipent ultérieurement. L’évapotranspiration est un processus qui dissipe une partie de l’énergie solaire en flux d’humidité. En s’évaporant, l’eau change de phase et consomme de l’énergie : elle rafraîchit donc l’atmosphère. Les caractéristiques morphologiques et physiologiques spécifiques à chaque essence comme la densité foliaire, la consommation d’eau, ou les dimensions de l’arbre (et en particulier des feuilles et du houppier) vont influencer sa capacité à réguler le climat local.

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Impact de l’ombrage sur la température au sol des revêtements (Crédit Ademe)

 

  • Lutte contre le réchauffement climatique : le CO2 (dioxyde de carbone), qui est l’un des principaux gaz à effet de serre, est utilisé par les végétaux pour effectuer la photosynthèse et croître. La capacité de « stockage » du CO2 est fonction de l’espèce, de sa taille, de son âge, du climat et du sol. On estime ainsi qu’un arbre capte en moyenne de 20 à 35 kg de CO2 par an.
  • Amélioration de la qualité de l’air : Les arbres éliminent la pollution atmosphérique gazeuse en absorbant les gaz au niveau des stomates des feuilles (en particulier le NO2 et le SO2). Ils interceptent par ailleurs une partie des particules fines en suspension dans l’atmosphère via leurs feuilles (dont les PM10). Ces deux processus dépendent notamment de la surface foliaire, de la surface de couverture de la végétation (canopée), de la rugosité des feuilles et de la présence d’enduit adhésif. Il faut souligner que l’effet des arbres sur la pollution de l’air est très dépendant de leur organisation dans l’espace : un mauvais agencement des végétaux peut par exemple aboutir à un effet de « tunnel vert » (augmentation de concentration causé par le freinage de la vitesse du vent). A contrario, il a été démontré par l’université de Lancaster que la présence d’un alignement d’arbres peut réduire de 50% la concentration des particules fines dans les logements avoisinants.
  • Supports de biodiversité : par la fourniture d’abris, d’habitats et de nourriture de manière directe (feuilles, fruits, pollen) et indirecte (pucerons), les arbres ont un rôle important à jouer pour la protection de la biodiversité en ville.

Deux outils pour accompagner le concepteur

Choisir « le bon arbre » exige d’examiner l’ensemble des facteurs énumérés ci-dessus au regard des tolérances et caractéristiques des différentes essences et de leurs cultivars. C’est une sélection fastidieuse et la facilité est souvent de se rabattre sur un choix limité d’arbres ayant « fait leurs preuves ». Pour simplifier le travail des concepteurs, l’Ademe et le Cerema ont conçus deux outils complémentaires :

SÉSAME (Services EcoSystémiques rendus par les Arbres Modulés selon l’Essence)

Il s’agit d’un outil développé par le Cerema avec la ville de Metz et Metz Métropole afin de choisir quelle essence planter en fonction des services rendus espérés (réduction des îlots de chaleur, support de biodiversité, fixation des particules fines, rôle paysager…). Cette méthodologie prend également en compte les contraintes que peuvent représenter les végétaux : risques allergiques, branches cassantes, dépôt de miellat, fruits pouvant occasionner des dommages, racines potentiellement intrusives dans les réseaux souterrains ou susceptibles de soulever les revêtements de surface…

En fonction de l’importance attribuée à chacun de ces critères, l’outil génère une liste des 10 espèces les plus adaptées dans les 85 essences recensées actuellement (la liste devrait être portée à 400 espèces prochainement). Il est relativement simple à utiliser.

Chaque espèce bénéficie d’une fiche individuelle récapitulant sa notation pour chacun de ces critères.

Exemple de fiche espèce disponible (Source Cerema)

ARBOClimat

C’est un outil de prospective et d’aide à la décision financé par l’Ademe qui permet d’estimer les services rendus (stockage de carbone, résilience de l’essence, régulation de la surchauffe urbaine et de la qualité de l’air, support de biodiversité) en fonction du scénario de plantation.

L’outil propose 3 scénarios de plantation : tendanciel (services rendus par les arbres existants), maximaliste (avec reprise sur des surfaces artificialisées) et scénario de la collectivité (afin de simuler et évaluer un projet de plantation, identifier les surfaces plantables, choisir des essences pour optimiser le stockage de carbone et les autres services attendus).

Tableau de synthèse des différents scénari de plantation (Source Ademe)

Sélection finale

Avant de finaliser la sélection, il convient de prendre en compte deux critères supplémentaires :

La diversité des essences retenues

Le recours à une palette limitée d’essences est néfaste pour la population d’arbres dans son ensemble. La dépendance envers un nombre restreint d’espèces accroit considérablement la vulnérabilité de la forêt urbaine aux maladies et aux parasites. Il est important de veiller à respecter les principes suivants :

  • La règle des 5-10 % pour la diversité des essences pour éviter la survenue d’épidémies dévastatrices.
  • La diversification des profils d’âge : les arbres plantés en ville n’ont pas tous vocation à vivre une centaine d’années. Compte tenu des évolutions rapides qui les caractérisent, les villes offrent certains espaces de plantation pour lesquels le choix d’essences à courte durée de vie est adapté. Lorsque combinées avec des essences à croissance plus lente et à durée de vie plus longue, les essences à croissance rapide aident à maximiser et à maintenir le taux de couverture arborée.
  • Le respect des restrictions relatives aux plantes exotiques invasives : si les essences exotiques peuvent constituer un choix approprié aux microclimats qui caractérisent les espaces minéraux des villes, celles qui sont à la fois exotiques et envahissantes représentent en revanche un danger pour les écosystèmes, l’économie et la santé publique locale. En France, le site de référence est www.codeplantesenvahissantes.fr porté par Val’hor.

 

Vérifier la disponibilité auprès des pépinières

Il faut prendre le temps de contacter les pépinières locales avant l’arrêt définitif de la liste d’espèces retenues afin de valider la sélection, vérifier leur disponibilité et les temps de production, deux informations cruciales pour garantir la livraison des essences souhaitées dans le respect des spécifications établies et du calendrier du projet.

Cela permet aussi de préciser la provenance des essences et éventuelle de définir les sous-espèces les plus adaptées.

 

Pour aller plus loin

Documents de référence :

  • « Arbres en milieu urbain-Guide de mise en œuvre » du Trees and Design Action Group
  • « SESAME : Services écosystémiques rendus par les arbres, modulés selon l’essence » du Cerema

SESAME :

ARBOClimat

Arbre en Ville

Cette évolution de l’ARBOclimat s’est enrichie de plus de 300 essences supplémentaires ; en revanche, il faut suivre une formation payante pour pouvoir désormais l’utiliser.

The Right Trees for Changing Climate :

Site anglais permettant d’identifier parmi 322 espèces sélectionnées pour leur tolérance aux changement climatique celles qui sont les plus adaptées à son projet d’aménagement urbain. Les critères de choix sont nombreux : taille, nature du sol, paramètres environnementaux, intérêt ornemental et usage.

i-Tree

Outil développé par l’USDA Forest Service (le service des forêts américain) fournissant une estimation des bénéfices apportés par les différentes essences d’arbres .