Marchés Publics : Ce qui change avec le nouveau fascicule 35

Sorti fin 2021, le nouveau fascicule 35 modernise la commande publique en matière de travaux paysagers. Entièrement réécrit par des représentant de l’ensemble de la filière du paysage, il définit plus clairement le niveau de qualité des prestations attendues en vue de produire des aménagements pérennes, répondant aux enjeux environnementaux actuels. Tour d’horizon des principaux changements.

Paru au Journal Officiel le 15 octobre 2021, le nouveau fascicule 35 remplace la version de 1999, qui était peu lisible, ne détaillait pas le contenu des prestations et n’était plus adapté aux évolutions du métier. Il ne s’agit pas d’une simple refonte mais d’une réécriture totale du document, aussi bien sur le fond que sur la forme qui a nécessité 2 ans de travail par des représentants de l’ensemble de la filière du paysage.

Le nouveau fascicule 35 poursuit plusieurs objectifs :  

  • Objectifs environnementaux : respecter la biodiversité et garantir des ouvrages durables
  • Objectifs qualitatifs : offrir des aménagements pérennes de meilleure qualité tout en améliorant la lisibilité et la prévisibilité de la rémunération des entreprises
  • Objectifs pratiques : produire un document plus synthétique et plus pédagogique ; éviter les contentieux en définissant plus clairement le niveau de qualité des prestations attendues ; anticiper les travaux d’entretien pour avoir une approche plus globale des projets.

Rappel : Le champ d’application du fascicule 35

Le fascicule 35 est une division du Cahier des Clauses Techniques Générales (CCTG) de travaux de génie civil qui définit les prestations réalisées dans le cadre des « aménagements paysagers et aux aires de sports et de loisirs de plein air ». Plus précisément, le fascicule 35 traite :

– des travaux de création des aménagements paysagers de type parcs, jardins, espaces verts, places publiques

– des travaux d’aménagement des aires de jeux, des aménagements sportifs et ludiques de plein air, des terrains de sport, des jardins sur dalles ou toitures végétalisées

– des travaux d’entretien des aménagements cités ci-dessus

– des travaux d’entretien portant sur les arbres (élagage, abattage…)

– des travaux d’entretien des dépendances vertes et dépendances de grandes infrastructures

– des travaux de création et d’entretien de boisements non sylvicoles (en revanche, les travaux forestiers de boisement relèvent du fascicule 34).

C’est un document contractuel : il peut s’appliquer aux marchés publics comme privés dès lors qu’ils s’y réfèrent expressément. Il s’articule avec le Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP), qui permet aux donneurs d’ordres de définir précisément le contenu des prestations. Ils peuvent s’ils le souhaitent déroger dans le CCTP à certaines prescriptions du fascicule 35, à condition de faire apparaître clairement ces dérogations en fin de CCTP.

Nature et qualité des fournitures : L’accents mis sur la préservation des sols et les végétaux locaux

Sols
Les objectifs de cette partie sont « de préserver les sols existants ; le cas échéant, de valoriser les matériaux en place afin de créer des sols fertiles ; en dernier recours, de fournir de la terre végétale extérieure au chantier ».
Le nouveau fascicule 35 précise qu’au regard de l’analyse du sol fournie dans le DCE, les sols en place doivent être autant que possible réemployés ou à défaut valorisés (sur place de préférence). Il précise aussi que l’utilisation de sols reconstitués est préférable à l’importation de terres d’origine agricole.
Il introduit donc une responsabilité nouvelle des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre, qui doivent réaliser une analyse de sol préalablement au lancement du marché. Celle-ci permettra aux répondants de prévoir et chiffrer les quantités d’amendements à mettre en œuvre dans le cas d’une simple correction du sol en place. Elle permet également de déterminer en amont si le sol en place ne peut être réutilisé et donc de prévoir dans le marché les quantités de terre à apporter.

pelleteuse sur chantier
Crédit photo : Racine

Végétaux
Les objectifs de cette partie sont « de favoriser des essences adaptées au sol, au climat et à leur utilisation ; de définir les critères qualitatifs des végétaux ; de favoriser les essences produites localement dans le respect des critères précédents ».

Autres fournitures : 
L’objectif de cette partie est « de favoriser les fournitures respectueuses de l’environnement ».

Travaux de création : La réception et les garanties repensées

L’objectif de cette partie est « de réaliser des travaux de qualité et respectueux de l’environnement, et d’assurer l’accompagnement du végétal durant deux années en prévoyant le budget nécessaire dans les pièces financières du marché ».

La réception des travaux a été repensée pour d’une part éviter les contentieux liés aux diverses interprétations des modalités d’exécution possibles par le passé mais aussi garantir une rémunération à un juste prix du prestataire puisque toutes les prestations auront été prévues dès le départ, avec une décomposition des prix plus fines.

La réception, détaillée à l’article J.25 du fascicule, a été avancée afin de bien différencier ce qui correspond à l’achèvement des travaux et ce qui correspond à la garantie des aménagements inertes et vivants. Elle a lieu désormais une fois les OPR (« opérations préalables à la réception ») signées. Les OPR regroupent le constat de réalisation des prestations, le constat de couverture des gazons et/ou le constat de reprise et de conformité variétale des végétaux. Ce dernier est réalisé durant le mois d’avril suivant les plantations, une période à laquelle la plupart des végétaux doivent avoir débourré. Cela permet de confirmer que les végétaux plantés étaient bien vivants, sans mettre en cause les travaux d’entretien post-plantation. Le taux de reprise attendu pour les arbres, arbustes et baliveaux en milieu urbain a été revu à la hausse avec un objectif de 100 %.

La période de garantie des végétaux démarre après cette réception.

Crédit photo : Technivert

Les étapes de parachèvement et de confortement sont aujourd’hui regroupées en une seule période dénommée « Travaux de finalisation ». Ces travaux (arrosage, désherbage…) ne sont dus par l’entrepreneur que si les pièces financières du marché en prévoient le coût (Le fascicule donne en p83 un exemple de décomposition financière des prestations attendues pour la création d’un massif de 10 m²). En l’absence de travaux de finalisation, le titulaire du marché est libéré de toute responsabilité sur la garantie des végétaux suite au constat de reprise et de conformité variétale.

La durée des travaux de finalisation est en principe fixée dans les pièces particulières du marché. En absence de précision, c’est la durée de 2 ans par défaut qui s’applique. La durée se superpose au délai d’un an de la Garantie de Parfaite Achèvement (GPA) des marchés de Travaux Publics.

Schéma classique de la nouvelle procédure de réception
Schéma classique de la nouvelle procédure de réception (Différents exemples de calendriers de travaux et de garanties sont donnés en pages 70 à 72 du fascicule)

Travaux d’entretien : une meilleure prise en compte de la biodiversité

L’objectif de cette partie est « de pérenniser les aménagements et de garantir leur bon fonctionnement et usage au cours du temps, grâce aux travaux courants d’entretien. Ces derniers, dans le cas des végétaux, sont postérieurs aux travaux de finalisation qui accompagnaient la plantation et qui ne peuvent s’y substituer ».

Crédit Photo : Avril Industrie

Voici les principaux changements constatés : 

  • En matière de tonte de gazon (O.10), la préférence est désormais donnée au mulching.
  • Les fauchages ou broyages (O.11) interviennent après la maturité des graines pour favoriser le semis naturel, et en tenant compte du cycle biologique de la faune présente.
  • Les périodes de débroussaillage (O.12) tiennent compte du cycle biologique des espèces animales, notamment la nidification des oiseaux et la reproduction des insectes.
  • En matière de désherbage de surfaces minéralisées (O.15), le désherbage chimique est désormais proscrit (sauf stipulations contraires du CCTP) au profit du désherbage mécanique, manuel ou thermique. 
  • En arrosage automatique (O.19), le réglage de la programmation interviendra aussi souvent que nécessaire (…) de façon raisonnée, dans le but d’un usage économe de l’eau tout en préservant le développement et la pérennité des végétaux.
  • En matière d’arrosage non automatique des plantations (O.20), sauf mention contraire dans les pièces particulières et financières du marché, la rémunération est faite par unité d’intervention d’arrosage. Si au contraire les pièces particulières et financières du marché prévoient une rémunération au forfait annuel, elles en précisent les contours afin d’éviter tout litige.

Le nouveau fascicule précise les conditions en cas d’arrêté préfectoral ou municipal restreignant les horaires d’arrosage : l’entreprise alerte le maître d’œuvre par un écrit à date certaine. L’arrosage de nuit fait alors l’objet d’un avenant et d’une rémunération spécifique. L’entreprise est dégagée de sa responsabilité sur les végétaux en cas d’arrêté préfectoral ou municipal interdisant ou restreignant l’utilisation d’eau et contraignant l’entreprise à suspendre totalement ou partiellement sa prestation d’arrosage. La rémunération de l’arrosage est suspendue au prorata de la durée d’interruption si l’arrosage est rémunéré au forfait.

  • Ajout d’une prestation d’ecopâturage (O.21), comprenant la mise à disposition des animaux, leur alimentation et abreuvement, la surveillance des animaux et le suivi sanitaire avec les soins vétérinaires.
  • En élagage (P.3), le traitement des plaies de taille (souvent décrié) « ne se justifie que lorsqu’une règlementation spécifique l’exige », notamment dans la lutte contre le chancre coloré.

Pour en savoir plus :